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22 août

LES DETENUS SE DEFOULENT, LE MINISTRE SE DEFILE…

Plus fort que le karting, l’entraînement au rodéo urbain… : à Fresnes, la « réinsertion » bat décidément son plein.

On apprend, en effet, qu’avant les ébats ludiques dans la piscine (avec, paraît-il, un membre du personnel de direction –mais, on se rassure, Koh Lanta à la mode carcérale, ce n’est pas pour autant Loft Story…) et les joyeux tours de kart du 27 juillet, l’établissement aurait accueilli, le 11 mai dernier, une « démonstration de freestyle moto », soit, d’acrobaties sur deux roues –ou plutôt, sur une roue…

Certes, le maître-mot, en matière pénitentiaire étant le pragmatisme, on peut, dans un contexte dépassionné, avoir une réflexion ouverte et nuancée quant aux activités destinées à meubler le temps passé en prison et à encourager les détenus à préparer une réinsertion ; mais il y a d’évidentes considérations de bon sens et d’opportunité ainsi qu’une élémentaire cohérence avec la situation pénale des intéressés qui doivent, dans cet exercice, guider les responsables, par respect pour la Justice et pour les citoyens –et, au premier chef, ceux qui ont été victimes des malfaiteurs en cause.

On comprend donc l’émotion soulevée par les images qui ont été diffusées.

Mais l’attitude du ministre de la justice, M. Dupond-Moretti, a ajouté du scandale au scandale.

Car, quand les détenus se défoulent, le garde des sceaux, lui, se défile…

Ce qui lui vaut, dans « Boboland », des complaintes sur l’air de "Si toi aussi, tu m'abandonnes"...  

On peut comprendre cette déception : à l'instar de l'improbable  contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (ex-journaliste très militante de la cause des détenus à Libération et au Canard enchaîné, dont la nomination reste un scandale permanent), tous les milieux intellectuels (?) et politiques dont est issu Me Dupond-Moretti et qui, comme ces mêmes détenus de Fresnes, avaient applaudi à sa nomination, ont toujours prôné ce genre d'activités agréables, au nom de la "réinsertion" (et, de fait, en nombre d'endroits, il s'en pratique de longue date, sous une forme ou une autre, dans le même esprit, même si c'est moins spectaculaire ou médiatisé...).

Le directeur de Fresnes, n'a, finalement, voulu que « faire du Dupont-Moretti » ! Et, d'après tous les éléments disponibles, en toute transparence : les services de la Chancellerie -et, dit-on, jusqu'au cabinet du garde-, avaient été informés et ont pu suivre l'affaire de part en part.

La défausse tardive du ministre –seulement quand l'affaire a été mise sur la place publique…-, est donc pitoyable -et doublement :

D'abord, parce que, en guise de contre-feu à l’incendie médiatique, il ordonne à ses services de faire une "enquête"... sur eux-mêmes ! A supposer que le ministre n'ait pas été mis au courant (mais qui, dans son cabinet, si c'était un mensonge, osera le contredire ?!), c'est qu'il y a eu, alors, un dysfonctionnement interne -peut-être parce que le "grouillot" de service ne doutait pas, connaissant le personnage et sa pensée, que cela ne pourrait que recevoir son approbation et qu'il ne fallait pas l'importuner avec une demande dont la réponse favorable lui semblait connue d'avance...

Et, quoiqu'il en soit, parce que se polariser sur le karting, comme l’a fait le ministre, revient à approuver tout le reste -dont on ne voit pas ce qu'il comporterait de si radicalement différent et moins choquant pour ceux qui sont choqués (si "le karting, ce n'est pas la réinsertion", comme il le dit, quid, alors de la piscine ? -sauf, peut-être, pour d’éventuels candidats au métier de maître-nageur…-, pour ne même pas parler des acrobaties à moto…). C’est un leurre trop facile pour être honnête.

Bref, on croirait un peu entendre Bill Clinton "d’accord, j'ai fumé du H, mais, attention, je n'ai pas avalé la fumée" : il y a un (double) mot en français trivial pour désigner celui qui se permet cyniquement ce genre d’attitude…

Le ministre va, sans doute, essayer de faire retomber l'opprobre sur un « lampiste » quelconque -peut-être même le directeur de Fresnes, au point où il en est de cette fuite en avant : alors que son collègue Darmanin joue "plus sécuritaire que moi, tu meurs", dans la nouvelle ligne d’un pouvoir qui, même sans moto, n'en est plus à une acrobatie (rhétorique) près… Il faut croire qu’il a besoin de tempérer un peu son image pour rester dans le nouveau sillage du cortège officiel.

Mais, dans un contexte marqué, entre autres, par les violences à l'égard de la Police, de tels jeux, dans de tels lieux, sont une véritable et indécente provocation à l’égard des Français ; et, d’abord, des membres des forces de Justice et de Police qui se consacrent -avec quelles difficultés !-, à leur sécurité.

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